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Permis de conduire: suppression du droit d'appel
en cas de contentieux

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DROIT DE L'USAGER - Me Rémy Josseaume, avocat à la Cour et président de l'Automobile Club des avocats, revient sur le décret qui supprime le droit d'appel pour l'ensemble du contentieux du permis de conduire.

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Ainsi, le premier ministre, sur rapport du ministre de la Justice, par un décret discrètement pris pendant les vacances d'été, a supprimé d'un trait de plume la voie d'appel devant les juridictions administratives pour l'ensemble du contentieux du permis de conduire à compter du 1er janvier 2014. Toutes les décisions concernant la contestation d'une perte des points, d'une invalidation ou de la suspension du permis de conduire, sont visées.

1. Désormais, s'il veut attaquer une décision de première instance, l'automobiliste, privé de recours devant une Cour administrative d'appel, devra saisir le Conseil d'État. Il s'adressera alors obligatoirement à un avocat spécialisé devant la haute juridiction pour le représenter, ce qui ne va pas pour lui dans le sens d'une simplification du contentieux.

2. Cette mesure remet en question le principe du double degré de juridiction. Elle ne semble pas à ce jour anticonstitutionnelle. Seul le recours en cassation, fondé sur l'appréciation de la mise en œuvre de la règle de droit, ne peut pas être supprimé.

3. Mais le droit européen ne voit pas les choses de la même façon. Par son article 2 du Protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, il consacre un droit d'appel en matière pénale.

4. Or, pour la Cour européenne des droits de l'homme, le retrait de points est bel et bien une sanction pénale, alors qu'en France il peut toujours faire figure de simple mesure administrative. Une possible jurisprudence européenne pourrait donc bien rappeler à l'ordre l'État français sur le respect des droits fondamentaux des automobiles.

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Deux associations attaquent le texte qui prive les automobilistes d'appel

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La Ligue de défense des conducteurs (LDC) et l'Automobile club des avocats (ACDA) ont déposé mardi une requête devant le Conseil d'État contre le décret du 13 août dernier, supprimant le droit d'appel jusque-là offert aux usagers de la route en matière de contentieux administratif du permis de conduire.

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Pour protéger les droits des automobilistes, deux associations ont décidé de croiser le fer avec le ministère de la Justice.
La Ligue de Défense des Conducteurs (LDC) et l'Automobile Club des Avocats (ACDA) ont ce mardi déposé conjointement une requête devant le Conseil d'État contre le décret du 13 août dernier, supprimant le droit d'appel jusque-là offert aux usagers de la route en matière de contentieux administratif du permis de conduire.

Discrètement, en effet, en pleine torpeur estivale, la Chancellerie a pris cette mesure qui va priver des milliers d‘automobilistes de la possibilité de porter leur affaire devant une cour administrative d'appel, en cas de contestation. Ils devront désormais saisir directement le Conseil d'État.

Des délais beaucoup plus longs

Sont notamment concernés, les dossiers de pertes de points, de permis invalidés et de suspensions de permis. Une disposition qui touche donc un contentieux de masse et entrera en vigueur à compter du 1er janvier prochain.

Pour Me Rémy Josseaume, ce décret est illégal. Devant les juges, il a fait valoir que le retrait de points procède d'une infraction pénale. Or, en matière d'infraction pénale, la Convention européenne des droits de l'homme rend obligatoire le principe de double degré de juridiction. Cela suppose qu'une affaire soit à chaque fois jugée «en fait et en droit», insiste Me Josseaume. Ce que ne permet pas le Conseil d'État qui ne se penche que sur le droit.

Par ailleurs, pour Me Josseaume, qui a plaidé le dossier avec Me Jean-Charles Teissèdre, «l'effectivité des recours», autre principe de droit, n'est plus respectée. Porter l'affaire devant la plus haute juridiction administrative suppose le recours obligatoire à des avocats spécialisés, des techniciens du droit de haut vol qui facturent en conséquence leurs prestations. Cela suppose aussi des délais beaucoup plus longs. De quoi dissuader le justiciable de saisir la justice. «S'il sait qu'il ne pourra faire appel d'une première décision, il va renoncer à toute action. Cela lui coûtera finalement moins cher de repasser son permis et ce sera beaucoup moins long», résume l'avocat.

Le bras de fer ne fait que commencer

Pour Christiane Bayard, secrétaire générale de la Ligue de défense des conducteurs, «les automobilistes sont littéralement privés de leurs droits au nom d'une volonté de désengorger les tribunaux». D'ailleurs, cette mesure de la Chancellerie a été vivement critiquée au sein même de la magistrature. Le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l'Union syndicale des magistrats administratifs (Usma) s'étaient associés pour dénoncer un texte mettant en place «une justice à double vitesse». «Il y a un contentieux de masse considéré comme mineur et des contentieux considérés comme plus nobles», s'était offusquée Fabienne Corneloup, présidente du SJA, tandis que son homologue à l'Usma s'en était pris à l'objectif visé par ces dispositions. «Elles ont été prises pour décharger les tribunaux encombrés», explique Anne Baux. Dans une lettre conjointe du 9 juillet dernier, les deux syndicats avaient demandé à la ministre de la Justice de ne pas retenir ce texte. Une requête restée lettre morte.

Mais il serait pour le moins étonnant que le Conseil d'État s'incline devant les arguments des deux avocats, car la haute juridiction administrative avait soutenu le texte du 13 août dernier. Son jugement attendu permettra toutefois d'obtenir une photographie précise de sa position. Laquelle sera ensuite portée à la connaissance de la Cour européenne des droits de l'homme et y sera dénoncée. Le bras de fer ne fait donc que commencer.